Dimanche 16 juillet 2000 : Pietra Piana – Vizzavona via Onda
Vingt-quatre heures
Etapes 8 & 9 : Départ 6h30, passage au refuge d’Onda, arrivée 18h15 après une nouvelle après-midi de marche sous la pluie ; durée de marche effective : 9h !
Douche chaude pour les filles, à la barbare pour les garçons, puis resto sur place à Vizzavona-gare. Nuit « SDF » dans le hall de la gare en compagnie d’une dizaine d’autres randonneurs !
Météo
Grand beau temps le matin avec en prime un lever de soleil extraordinaire sur les crêtes, dans un ciel tout bleu. Dégradation à la mi-journée avec passages nuageux et en descendant sur la vallée… brume, pluie, et même grêle ! Temps couvert en soirée ; températures à Vizzavona moins fraîches que la veille.
Le fait du jour
Fin de parcours – Vizzavona, Vizzavona, terminus, tout le monde descend ! L’objectif est atteint, nous avons réussi à rallier notre destination à pied à travers la montagne corse… C’en est fini des souffrances quotidiennes sur les « kailloux ! », des raidi-longs qui tuent et des descentes qui fracassent ! Finies aussi les journées laborieuses dans le brouillard, la froid et la pluie, les (très bons) plats de pâtes tous les soirs,… maintenant à nous le repos, la plage, le soleil, la chaleur, les restos !
L’étape
Entre bonheur et déprime – Le départ est matinal puisqu’un énorme programme nous attend : rallier Vizzavona dans la journée, autrement dit avaler d’une traite les deux dernières étapes de notre parcours ! Après étude de la carte IGN et des difficultés de la journée, Stéphane et Juju jugent opportun de raccourcir la première étape en prenant la variante par les crêtes (au lieu de descendre pour remonter). Après quelques difficultés pour accrocher le wagon du départ, je commence à goûter mon plaisir au bout de quelques minutes de marche. Le ciel est tout bleu, et le soleil ne va pas tarder à se lever sur la montagne endormie… Je m’arrête un instant pour contempler ce spectacle inouï, toutes les nuances de gris se déclinent dans les arrière-plans des massifs qui remontent jusqu’à l’endroit où sa majesté solaire est en train de se montrer sur la mer, c’est tellement beau ! Et apaisant, aussi…
Ce passage par les crêtes n’en finit d’ailleurs pas de nous émerveiller, puisque nous contemplons deux vallées de part et d’autre du chemin et que bientôt, comble du bonheur, la mer nous apparaît de chaque côté ! Stéphane s’offre un soulagement dans ce décor exceptionnel, « le plus beau chiotte du monde !”(dixit Juju).
Nous redescendons sur le refuge d’Onda sous un soleil toujours éclatant, mais nous ne sommes alors qu’à mi-parcours… Nous prenons tout de même le temps d’une vraie collation, au cours de laquelle Alex et moi abuserons des abricots secs… nous aurons l’occasion de le regretter quelques heures plus tard !
Nous repartons en direction de Vizzavona. C’est alors que la brume nous rattrape, et il faut à nouveau remettre les ponchos car la pluie et la grêle viennent nous accompagner comme pour nous dire un dernier au revoir ! Dans ces conditions, les dernières heures de marche de cette longue journée sont éprouvantes. Alex déprime, Stéphanie souffre de son genou en silence, et Stéphane tente de motiver les troupes en annonçant toutes les heures qu’il ne reste plus qu’une heure de marche… avant la prochaine, oui ! Avant Vizzavona, nous passons à côté du site extraordinaire de la cascade des Anglais. Quelle beauté, quelle limpidité, quel endroit paradisiaque ! Et des regrets éternels en ce qui me concerne, puisqu’il pleut et qu’il fait froid, alors que cette eau d’une clarté fabuleuse m’appelle… Et bientôt enfin, Vizzavona… la fin de quelque chose, c’est certain !
Humeur…
A l’heure du bilan – Difficile de réaliser, au moment précis où je me décharge de mon sac à dos, que l’aventure s’arrête là, comme ça, d’un coup… Que je viens de quitter la montagne corse pour de bon, que je n’éprouverai plus cette sensation d’évasion et de liberté qui m’a accompagné tout au long du GR ! Les sentiments sont mitigés pour tout le monde : à la satisfaction d’être allé au bout de cette belle aventure humaine se mêlent des regrets liés aux conditions météo et un sentiment d’inachevé avec l’escamotage de cette fameuse étape du cirque de la solitude, que seul Stéphane aura accomplie… Pour tout ça, le GR 20 emporte avec lui une part de mystère et d’inaccessible qui reste encore à conquérir. « Ça mérite d’y revenir dans de meilleures conditions ! » lance Julien en guise de conclusion. En ce qui me concerne, je ne peux m’empêcher de mettre en parallèle cette aventure avec mon séjour marocain, le contraste est tellement fort ! Il y a un an, je voyageais en car climatisé à travers les villes impériales, en contact permanent avec la population locale, logé et nourri dans des hôtels quatre étoiles avec des porteurs pour s’occuper de mes bagages… Et voilà que je m’élance onze mois plus tard avec un sac de vingt kilos sur le dos, à la conquête des sommets corses, sans vrai contact avec le monde extérieur, à dormir dans le froid sous une tente merdique et à manger des pâtes à tous les repas ! A l’heure du bilan, je suis heureux… Heureux de savoir profiter d’un même plaisir de ces bonheurs si différents, heureux de savoir apprécier sans bémol ces expériences qui m’ont enrichi l’une et l’autre de tant de choses, heureux de savoir les accepter comme des cadeaux de la vie !
Brèves rencontres
Baty, comme un chef – En raison de notre arrivée tardive, il n’ y a évidemment plus une seule place dans le refuge du village… et monter la tente ne nous dit rien qui vaille. Faisant la rencontre de Baty, sympathique chef de gare de l’endroit, celui-ci nous propose bientôt de nous héberger gratuitement… en nous offrant de nous installer dans « son » hall de gare ! Nous acceptons sans hésiter, et Baty n’en finit pas d’étaler sa bonhomme gentillesse en ouvrant à Stéphanie et Alex les portes de sa salle de bains (ce qui leur vaudra des regards plein de jalousie de la part des autres randonneuses installées avec nous !). Mais le personnage nous réserve encore une autre surprise, en troquant sa casquette de chef de gare contre la toque de chef-cuistot dans l’excellent resto où nous dînons ce soir-là !
En vrac
Hélico, prise de tête, le retour ! – Sans doute levé du pied gauche à une heure que j’estimais bien trop matinale, j’ai énormément de mal à suivre le rythme de mes acolytes qui ont il faut dire un peu le feu aux fesses ce matin-là : en retard au petit dej’, pour plier la tente, lorsqu’il faut partir… De retour du refuge avec la popote, je prends tout de même une minute pour me laver les dents lorsqu’un nouvel hélico pointe son nez, apparemment bien décidé à se poser à dix mètres de là ! On me fait des grands gestes pour que je m’écarte, ce que j’accomplis dans l’esprit de ce matin : sans trop me presser et en bougonnant. Le souffle de l’appareil manque alors de me faire perdre l’équilibre, le couvercle de la popote et les sachets de céréales s’envolent… cette fois c’est sûr, je suis de mauvaise humeur et je ne supporte plus les hélicoptères !
Le genou de « Paulette » – Cette dernière étape est difficile pour tout le monde, et tout spécialement pour Stéphanie dont le genou est en train de crier douleur ! A Onda, à mi-parcours, nous envisageons un instant de mettre pied à terre et de repousser pour elle notre arrivée à Vizzavona d’un jour… Mais un Voltarène plus tard, « Mamie Paulette » reprend courageusement la route en suivant les pas de Stéphane, et parviendra finalement à l’arrivée au bout d’une souffrance toute contenue lors de la dernière descente.
Les pétomanes – Ah, la vie au grand air ! Tour à tour, sans retenue et en toute liberté, chacun y va de sa touche personnelle : certains sont très sonores, d’autres très odorants, plus rarement les deux… Sans doute un avant-goût de l’ambiance militaire qui attend Stéphane, incorporable au premier août ! En espérant qu’il s’en accommodera mieux que notre ami Desproges, qui commentait ainsi la période de son service national : « je ne me suis bizarrement pas découvert d’affinités avec tous ces jeunes gens dont la distraction favorite était d’organiser des concours de pets dans les dortoirs… »
Douche à la barbare ! – Pendant que les filles profitent généreusement de l’offre de Baty qui met sa propre salle de bains à leur disposition, les mâles de l’expédition rejoignent la rivière proche de la gare… Lorsque j’arrive sur les lieux (avec un train de retard, comme d’habitude), je trouve Juju, Stéphane et Gérald à poil en train de s’asperger « à la barbare » avec l’eau glaciale de la rivière ! Je ne tarde pas à suivre le mouvement… Pas douchés depuis au moins trois jours, en trois minutes – surtout pas plus – nous voilà enfin propres, ou presque !