« Pourtant, que la montagne est belle… »

Samedi 15 juillet 2000 : Manganu – Pietra Piana

Vingt-quatre heures
Etape 7 : Départ 6h30, arrivée 14h30 ; durée de marche effective : 6h.
Sieste puis mise au chaud dans le refuge minuscule et bondé comme jamais de Pietra Piana.
Nuit en bivouac au refuge de Pietra Piana.

Vue sur le lac de Capitellu

Vue sur le lac de Capitellu

Météo
Nuit froide et humide. Ciel dégagé au petit matin, grand soleil au sommet du col de Capitellu. Derrière les crêtes, nouveau plongeon dans la brume… Temps froid voire très froid au refuge. Éclaircissement du ciel en soirée.

Le fait du jour
Sous le soleil, le GR culmine à Capitellu – Il y a des jours comme ça, on se lève du bon pied, heureux d’aller marcher et de repartir à la conquête de nouveaux sommets… on se croirait presque en vacances ! Il faut dire qu’il n’y pas le moindre nuage dans le ciel du petit matin qui se présente à nous, ce qui n’est pas la moindre des réjouissances du jour ! Dans ces conditions, l’ascension du col de Capitellu, point culminant du GR à 2225 mètres d’altitude passe comme une lettre à la poste. La motivation est au rendez-vous puisque nous grimpons dans l’ombre par la face ouest, avec en point de mire la brèche où le soleil semble nous attendre… Lorsque nous y parvenons enfin au bout de deux heures de marche, sa majesté solaire rayonne comme jamais et illumine de son éclat le panorama exceptionnel qui s’offre à nous du haut de notre montagne ! Les crêtes s’imposent sur un ciel d’un bleu inespéré, les lacs de Capitellu et de Melo resplendissent… Au plus haut point de notre aventure, nous ne sommes pas très loin non plus de notre plus grand moment de bonheur depuis le départ !

L’étape

Un trio sur la brèche

Un trio sur la brèche

Quand rando rime avec plaisir – Incroyable tout de même l’aisance avec laquelle je déambule sur le GR en ce début de journée. Je crapahute avec un plaisir non dissimulé, je ne ressens soudain presque plus aucune fatigue des jours précédents. La présence du soleil n’y est sûrement pas étrangère, et puis comme me le fait remarquer fort justement Juju : « Au bout de cinq jours de marche, tu commences à avoir la caisse aussi ! » L’ascension matinale très régulière de la brèche de Capitellu n’a rien d’insurmontable. Notre route se poursuit un bon moment sur la ligne de crêtes, nous livrant de part et d’autre deux paysages totalement différents : à gauche, le soleil, le ciel tout bleu, la montagne dans toute sa splendeur et la beauté inoubliable des lacs : Capitellu, Melo (quelles couleurs !), puis bientôt celui de Rinosa ; à droite, les nuages et le brouillard… C’est bien évidemment de ce côté-là que nous plongeons vers le refuge de Pietra Piana que nous gagnons dans le froid et la brume humide, il ne fallait pas rêver !

Humeur…
Mon Everest – J’ai donc une patate d’enfer en ce début de journée (beaucoup moins sur la dernière heure de marche…), à tel point qu’un très court instant, je m’imagine prolonger la randonnée de quelques jours pour accompagner Stéphane qui rêve d’aller au bout du GR et de rejoindre Conca. Mais je reviens très vite sur terre… Débarqué du continent avec un entraînement pour le moins limité, je suis tout de même un peu court physiquement, et si ce que je suis en train d’accomplir n’a rien de surhumain, cela reste une véritable épreuve quotidienne pour le randonneur novice que je suis… Le GR 20 me renvoie implacablement la dure réalité de ma méconnaissance de l’effort de montagne, et me confronte sans pitié à mes limites physiques et mentales à de multiples reprises. Cette aventure extraordinaire me permet pourtant de prendre conscience de l’amour que je porte à la montagne, même si cela n’a pas l’air réciproque ! Je ne désespère pas malgré tout de l’apprivoiser un jour, et d’être capable de revenir faire le tracé en entier… En attendant, je n’irai pas à Conca : à ce jour, le massif corse est mon Himalaya, Capitellu mon Everest !

Brèves rencontres

Macro de fleur corse

Macro de fleur corse

Macro-parigot – Il trimbale un sac de 25 kilos et ce nombre-là à lui seul force le respect. Patrice nous accompagne depuis Asco et le moins que l’on puisse dire c’est que sa compagnie n’a rien de triste. Ce maître-nageur parisien d’environ trente-cinq ans est une attraction à lui tout seul : il manie un bagout extraordinaire pour raconter des souvenirs de tous les endroits qu’il a parcourus dans sa vie (Bolivie, Patagonie, Réunion… la Bourboule !), il sort son portable lors de chaque pause pour voir si le signal est suffisant pour appeler « sa p’tite copine » ou son pote de Nice qui l’attend sur un voilier, et il se passionne pour les gros plans photos de chaque fleur de montagne qu’il croise (les fameuses macros) ! Il faut dire que le bonhomme est équipé, il trimbale avec lui au moins 5 kilos de matos photo (!), dont un zoom de 300 qui fait baver d’envie Stéphane. S’improvisant comme il le dit lui-même « étudiant en macrologie », il peut ainsi passer parfois de longues minutes au pied d’une fleur… sans doute en train d’attendre qu’elle lui adresse un sourire !

En vrac
« C’est sympa d’être venu… » – Il y a foule comme jamais sur les crêtes au départ de la brèche de Capitellu. Une course de montagne, le Rallye Inter-lacs, se déroule en effet ce jour simultanément sur un bout de notre randonnée. Les concurrents ont bien du mérite car le parcours est des plus sélectifs, avec notamment une partie de l’ascension de la face de Capitellu que nous venons de vaincre ! Le tout accompli au pas de course, évidemment, avec de banales chaussures pour courir… Il faut s’écarter pour laisser passer ces vrais athlètes, courir là-dedans, il faut le faire ! Enorme coïncidence, Alex nous signale qu’une de ses collègues participe à l’épreuve… Lorsqu’elle passe devant nous, Alex lui envoie ses encouragements et l’autre de lâcher spontanément : « Ah ? C’est sympa d’ être venue !… » Non, non, on n’est pas là pour t’encourager, c’est un pur coup de bol si on s’est trouvé là… on a un GR à faire nous, faudrait pas croire qu’on a fait tout ça juste pour venir te voir courir !

Hélico, prise de tête – Abîmant déjà la quiétude de la montagne, un premier hélicoptère de l’organisation du rallye vient déjà nous rabattre les oreilles en nous tournant autour pendant un bon moment sur les crêtes qui dominent les lacs. Parvenu au refuge ou je me pique un vrai roupillon emmitouflé dans mon duvet pour échapper au froid, en voilà un autre qui vient interrompre mes rêves en se posant à moins de trente mètres de la tente… Ça commence à bien faire, le prochain qui vient me tourner autour ça va mal se passer !

L’orgie d’Alex – Le froid pince véritablement à Pietra Piana… Chaque moment en dehors du duvet ou du refuge est un petit calvaire, et je ne vous pas parle de la vaisselle dehors à l’eau froide qui m’a littéralement frigorifié les doigts ! Seul le minuscule refuge offre un vrai havre de réconfort, même si on s’y sent quelque peu à l’étroit, serrés les uns contre les autres. Devant un tel potentiel de chaleur humaine, Alex pique un délire et se met à fantasmer sur une gigantesque orgie dans tous les coins du refuge ! « Ben quoi ? Comme ça plus personne n’aurait froid et puis et même temps on pourrait s’offrir un peu de bon temps, au lieu de se tourner les pouces là à ne rien faire… » Réponse du tac au tac de Juju : « Elle est complètement allumée c’te nana… Toi il faut que t’arrêtes tout de suite ton abonnement à Science et Vie Junior ! »

Vizzavona, hôtel-terminus

Pétards mouillés pour la fête nationale

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