“Rain ? Oh no !… Oh ! Oh ! Oh !…”

  • Vendredi 14 août 1998, Amorgos
Ciel gris matinal sur Amorgos

Ciel gris matinal sur Amorgos

“Allez hop, on y va, en route pour l’aventure ! “ – 7h30 : branle-bas de combat ! Aujourd’hui une randonnée de plus de cinq heures nous attend et doit nous mener de l’autre côté de l’île. Alex râle, légitimement : “Pour une fois qu’on a un lit, on ne peut même pas en profiter … “ Lorsque je jette un œil dehors, le ciel est tout gris. Mais gris de chez pas bleu ! En allant acheter le pain, je m’inquiète du temps auprès du boulanger et lui demande s’il y a des risques de pluie. “Rain ?” dit-il en me regardant avec des yeux incrédules. “Rain ? Oh no !… Oh ! Oh ! Oh !… Rain… Oh ! Oh ! Oh !…” me répond-il ensuite avec une voix qui me fait penser à celle de Dingo, ajoutant quelques paroles en grec que je ne saisis pas, mais je comprends tout de même bien qu’il se fout de ma gueule !

Amorgos : l'îlot Ni Kouria

Amorgos : l’îlot Ni Kouria

Sac à dos, pique-nique et bouteilles d’eau, nous voilà parés pour cette balade qui s’annonce longue et belle. La randonnée ” Guide du routard ” doit nous mener à Chora, capitale de l’île, après quinze kilomètres de sentier. Nous rejoignons Potamos avant de prendre un chemin de pierres qui se faufile entre les montagnes… L’itinéraire est balisé par des points rouges, mais de façon très irrégulière. ” Tu vois quatorze points sur deux mètres, et après aucun pendant un kilomètre ! ” note Caro qui en connaît un rayon en randonnée pour avoir arpenté nombre de GR boussole en poche avec les scouts. Conséquence, le chemin se perd régulièrement dans la garrigue locale, et nous avançons au feeling.

Kalimera

Kalimera

Mais quel spectacle ! Derrière chaque montagne, un nouveau paysage. La mer nous apparaît d’un côté, de l’autre, des deux… Le soleil est de retour et illumine ce paradis.

Nous en prenons plein les yeux (et les narines), et pourtant le trajet est éprouvant : dénivelé, cailloux, buissons ” fractales ” griffeurs…

Cette balade est l’un des ” must ” du Routard et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si sur les quatre randonneurs que nous croisons sur le chemin, trois sont français… Nous rencontrons aussi, à plusieurs kilomètres du premier village, une petite vieille grecque, toute en noir, qui nous abreuve de son “Kalimera ! Kalimera !”. Plus loin, une autre à dos d’âne , des paysans avec leur mulet bien chargé, quelques chèvres et un bouc, et tout au long du chemin, des lézards par dizaines…

Un monastère, une crique…

Après un pique-nique qui nous remet tous d’aplomb, nous repartons à la recherche des points rouges. Le sentier se découvre, se perd, se repère, se reperd… Nous nous rapprochons de la côte ouest, où Chora nous attend : le grand bleu s’offre à nous, la mer à perte de vue, les falaises sidérantes… Grisé par un trop plein d’émotions qui mettent en éveil tous mes sens, je m’échappe en courant à l’assaut d’un amas de rochers surplombant une falaise. Le vent, d’une violence rare, me plaque contre le roche, mais ce n’est qu’à l’instant où je me retourne que je reçois le coup de grâce. Je suis terrassé par une vision et j’ai d’abord l’impression qu’il s’agit d’un mirage. Non, ce ne sont pas les premières habitations de Chora, c’est bien lui sans aucun doute ! Encastré dans la roche, splendide, majestueux, immense, le monastère du grand bleu,”la Panaghia Chozoviotissa” nous apparaît !!

Ce bâtiment, célèbre depuis son apparition dans le film-culte de Luc Besson “Le Grand Bleu”, nourrit depuis notre départ pour la Grèce nos délires les plus fous. Un motif de rêve permanent, une obsession, un but ultime… Il devait l’être l’objectif de notre excursion du lendemain, nous n’étions pas préparés à le tutoyer si vite ! Et le voilà qui se présente à nous, comme une récompense à nos efforts. En nous approchant, nous sommes excités comme des gosses, et aussi impressionnés par la majestuosité du site. La crique qu’il surplombe est surréaliste : falaise abrupte, mer qui décline tous les tons de bleu du turquoise au bleu roi, eau d’une clarté terrifiante, fonds sublimes… Malheureusement, pour prolonger le rêve, elle restera inaccessible par manque de temps, ou de folie…

Sous le monastère, une crique surréaliste...

Sous le monastère, une crique surréaliste…

Il est alors 15h30, et le monastère n’ouvre qu’à partir de 17h. Caro râle parce qu’elle n’aura pas droit à son loukoum. Et il nous faut poursuivre notre route, puisqu’il reste une demi-heure de marche avant de gagner Chora. Tout le monde s’est cru arrivé au bout de ses efforts en parvenant au monastère, et la montée vers Chora paraît interminable. Enfin au village, nous nous mettons en quête d’un mini-market afin d’assouvir la faim qui nous ronge : David saute sur la première cabine téléphonique qu’il rencontre et passe sa commande : “Alors pour moi, ce sera quarante paquets de chocos, cent pots de Nutella et … six cents baguettes”… Nous nous affalons dans un coin de rue, le village est peu fréquenté à cette heure et le calme après l’effort est appréciable. Je m’assoupis…

Il y a beaucoup de monde à la station de bus lorsque nous la rejoignons, et le car pour Aigiali est littéralement pris d’assaut. Seule Caro-la-malice parvient à grimper, mais redescend par solidarité. Le prochain n’est que bien plus tard, deux solutions s’offrent à nous : le retour à pied par le sentier (!) ou … l’auto-stop. David et Alex se font embarquer les premiers, nous les imitons quelques minutes après dans une vieille fourgonnette.

“Balade de vieux” sur le port

Lorsque nous les retrouvons à Aigiali, ils sont en compagnie de Jean-Marie et Lucie, des amis de Caro originaires de Bron, qui parcourent eux aussi les Cyclades. Pour des raisons budgétaires, ils se contentent pour toute collation de pain et de fromage…Voilà bien le genre de repas que nous aurions du mal à faire tous les quatre, vu notre penchant commun pour la bouffe ! D’ailleurs, David a été désigné chef cuistot du soir et nous mitonne des aubergines accompagnées de boulettes de viande : un vrai régal. Le soir, les jambes sont lourdes et nous nous offrons une petite “balade de vieux” : dix minutes sur le port, histoire de prendre l’air… Nous rejoignons notre room, où David s’effondre comme une masse. La fatigue nous pousse tous petit à petit vers le sommeil. Demain, grasse mat’ pour tout le monde !

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