Lundi 17 juillet 2000 : liaison autorail Vizzavona – Calvi via Ponte Leccia
Vingt-quatre heures
8h30 : embarquement dans le train au départ de Vizzavona-gare (à cinq mètres de notre lieu de couchage !) pour Ponte Leccia ; 10h train Ponte Leccia – Calvi via l’île Rousse, arrivée à Calvi 12h10.
Collation puis recherche un peu laborieuse d’un camping… installation définitive au camping La Pinède (à 500 mètres de la plage et un quart d’heure à pied du centre de Calvi). Expédition à Calenzana pour récupérer les affaires laissées au départ puis courses, lessives, vraies douches…
Apéro collectif en soirée (voisins, Cécile et Jacques) puis balade nocturne dans Calvi par le bord de mer… bain de minuit au retour !
Météo
Grand beau temps le matin et chaleur appréciable ! Quelques nuages et petite fraîcheur en soirée.
Le fait du jour
De nouvelles vacances commencent – En quittant Vizzavona pour Calvi en train, nous quittons la montagne pour la mer, la randonnée pour le farniente, l’activité physique pour le repos du guerrier et les chaussures de marche pour les tongues ! Les tentes sont plantées pour une semaine, les nomades que nous sommes depuis huit jours se sédentarisent enfin. Mais on se sent déjà un brin déphasé en ce premier après-midi, comme pas dans l’ambiance. Les marques rouges et blanches du GR 20 qui guidaient notre démarche ne sont plus là, et assurément nous sommes tous quelque peu déstabilisés par cette absence soudaine de repères et de tracé, par ce vide d’activité et par tout ce temps dont nous pouvons désormais disposer comme bon nous semble…
L’étape
Le petit train de la vie – « Vous savez ce que veut dire mémorable ? Bon eh ben alors : mémorable… » Oui, mémorable ce trajet ferroviaire entre Vizzavona et Calvi ! La première partie jusqu’à Ponte Leccia se déroule sans encombres, il fait un temps splendide et les paysages de montagne qui défilent autour de nous sont de toute beauté.
Nous changeons alors de train, et le voyage jusqu’à Calvi ne sera pas aussi paisible ! Déjà, les wagons sont bondés et chacun se débrouille pour trouver une petite place. M’estimant chanceux, je parviens à m’asseoir sur le marchepied en face de la porte, juste derrière le conducteur. Mais lorsqu’une jeune fille essaie de la fermer au moment du départ, le vieux corse aux commandes l’arrête et lui dit : « Non mademoiselle, la porte reste ouverte… Vous croyez qu’on a la climatisation là-dedans ? » Je me retrouve donc assis face au vide, à un mètre de la voie ! Je me cramponne solidement, sans quoi je risque de me retrouver dehors au premier virage un peu sec… bonjour la sécurité des passagers ! Les voies corses sont terribles, le train ne cesse de tanguer de droite à gauche et je regrette soudain de ne pas avoir avalé mes cachets contre le mal des transports. Oui, à ce moment-là, dans ce train… j’ai le mal de mer ! Je me lève pour respirer un bon coup.
Le spectacle continue : à l’entrée d’un tunnel, le conducteur maugrée quelques mots en patois et lance de grands coups de sirène. Quelques mètres plus loin, dans l’obscurité du petit tunnel, en plein milieu de la voie, se distinguent soudain nettement la silhouette de quatre ou cinq vaches en recherche d’ombre et de fraîcheur ! Le conducteur freine lentement, continuant à avancer sur les vaches qui détalent, tout en leur parlant : « Allez on avance sinon moi je vais manger de la paupiette ou de la côtelette à midi… ça ne me pose pas de problèmes de vous écraser, ça fait trente-cinq ans que je vous vois j’en ai marre ! » Le passage du vieux contrôleur qui vérifie trois fois chaque billet est également assez épique… En descendant à Calvi, je suis heureux de retrouver la terre « ferme » et je souris en repensant déjà aux souvenirs que je garderais de ce voyage. Mémorable, oui !
(Et pourtant, ça aurait pu être pire… Voici ce qui est arrivé à ce même train six jours plus tard !!)
Humeur…
Karaoké blues – Ce premier soir, Calvi n’est pas d’une folle animation, tout juste quelques touristes qui se mêlent aux légionnaires locaux. Mais en repassant sur l’avenue face au port, de la musique venue d’un bar attire mon oreille… De la musique après huit jours de néant sur le GR, ô joie, ô bonheur ! Je sors soudain de la mélancolie dans laquelle je baigne ce soir-là et je reprends à pleine voix l’interprétation de « Comme d’habitude » qui s’échappe de ce bar… karaoké ! Cette renaissance ne manque pas de surprendre mes compagnons, à l’exception de Juju : « Lui ? La musique et le karaoké, il adore ça… ah on peut le laisser planté là et repasser dans deux heures, il aura pas bougé !… » Ils reprennent alors leur route en direction du camping, et je m’apprête à leur emboîter le pas lorsque soudain démarre l’intro de la chanson suivante : c’est du Gall-Berger, je ne peux pas m’en aller ! Je me retrouve bientôt là, tout seul sur mon bout de trottoir, au milieu des passants, à chanter tout haut et sans retenue, sans me soucier des regards, comme pour mieux libérer tout le bonheur que j’éprouve à ce moment précis !
Il jouait du piano debout
C’est peut-être un détail pour vous
Mais pour moi ça veut dire beaucoup
Ça veut qu’il était libre, heureux d’être là avec nous
Il jouait du piano debout
Quand les trouillards sont à genoux
Et les soldats au garde à vous
Simplement sur ses deux pieds
Il voulait être lui, vous comprenez…
(France Gall / Michel Berger)
Jamais je n’aurais mieux saisi le sens de ces paroles que ce jour-là… Je rentre par la plage sans cesser de chanter à voix haute. Je me sens seul mais je suis bien, je me retrouve face à moi-même, à mon amour de la vie… et je pense très fort alors à celle que j’aime !
Brèves rencontres
Famille-modèle, le retour – Savoyarde il y a un an sur mon séjour marocain, la famille à l’honneur cette année en terre corse est d’origine alsacienne : avec leurs trois garçons âgés de 9, 11 et 13 ans, ce couple vient en effet de réaliser le même parcours que nous, cirque de la solitude en prime ! Une sacré famille de baroudeurs qui partait déjà au sac à dos sur les GR alors que le plus jeune de leurs enfants avait encore besoin de couches… Et puis en discutant avec les parents, c’est une impression de sérénité totale qui se dégage de leurs attitudes, de leurs voix, de leurs regards… Du bonheur à la pelle dans les yeux de ces gens-là !
En vrac
Alex au culot – Enfin stabilisés dans notre camping à Calvi, le souci majeur de notre journée devient de monter une expédition pour récupérer les affaires laissées chez Cécile à Calenzana. Pragmatique, Alex refuse les plans galère en stop et se propose tout simplement d’aller solliciter « cash » la gentillesse de nos voisins. Un sourire plus tard, notre aimable voisin clermontois démarre la voiture, embarquant Alex et Stéphane avec lui… L’affaire est réglée en une demi-heure et nous finissons de sympathiser avec nos voisins en les invitant à se joindre à notre apéro le soir. Culottée l’Alex, mais diablement efficace aussi !
Soir de pleine(s) lune(s) – De retour de notre balade nocturne dans Calvi par la plage, alors que nous parvenons juste en face du camping, je sens un appel irrésistible de la mer… Je suis du Poissons, moi, signe d’eau, et frustré de baignade pendant une semaine de montagne ! Je tombe tout et je cours, et je plonge, et je vis ! Bientôt rejoint dans ce petit coup de folie spontanée par Stéphane et l’inévitable Juju, nos postérieurs « baleines blanches » éclatent sous la pleine lune, sous le regard amusé de Gérald (tafiolle !), de Stéphanie et d’Alex…