La victoire après la douche !

Yvan’s raconte une victoire mythique de l’ESSJT en octobre 2012, une épopée qui méritait bien d’être racontée. Du jamais vu en Europe : la victoire après la douche !

C’est un weekend aux airs de fête. La semaine s’est écoulée pour nous amener à ce samedi soir, jour de match. Samedi 12 octobre 2012, 3e journée du championnat, les Tamalous de Saint Jean de Touslas se déplacent à Saint Rambert, un club de Lyon que personne ne connaît. Nous allons a posteriori en comprendre la raison : il n’existe que dans la 4e dimension.

Tout est réuni pour passer une soirée comme on les aime : Rém et Caro organisent la troisième mi-temps, le plaisir de se retrouver est sincère, la passion du jeu intacte et chacun sait qu’une victoire effacera le goût amer de la défaite de la semaine dernière.

Ce début de saison est plus difficile que prévu ; sur le papier, avec l’expérience affichée et compte tenu de notre recrutement magnifique de l’intersaison, je pensais que nous allions dominer nos adversaires. Mais sans entraînement et face à des équipes de bon niveau, mieux préparées et plus jeunes que nous, notre marge de manœuvre se réduit considérablement. Bilan à ce jour, une victoire après prolongation et une courte défaite à domicile. L’humilité est un don de dieu…

La semaine précédente, nous avons mené pendant 39 minutes. Nous avons eu jusqu’à 12 points d’avance mais une rafale de paniers à 3 points et une mauvaise gestion de fin de match avait permis à Chassieu de réaliser le holdup. Consternation et dimanche foutu…

Alors ce soir, l’envie d’en découdre et de repartir de l’avant est en nous. Mais les saint rambertinieux ont des atouts. Face à une défense de zone assez haute, nous balbutions notre collectif mais Pierrick nous permet de virer en tête à la pause grâce à un panier de la dernière seconde (et peut-être même au-delà ?).
Nous existons grâce à notre zone press assurance tous risques. Grâce à elle, mais aussi sur jeu rapide et sur deux paniers à 3 points de Perrosevic, nous allons réaliser à deux reprises des écarts de 11 points que nous espérons décisifs. A l’arrière le Pat prend le relais pour ramasser quelques rebonds et verrouiller la raquette car les grands sont handicapés par les fautes.

Mais à deux reprises nous allons encore dilapider ce capital. Nous allons notamment inventer une nouvelle défense de zone que nous pourrions intituler « 3 au milieu et 2 derrière ». Perrosevic en est l’un des inventeurs, Pierrick le concepteur et Phil a assuré le suivi des travaux. Le temps de cette expérience, le scoreur adverse a pris ses aises pour remettre Saint Rambert dans la course.
En attaque, notre jeu placé est approximatif, sans rythme, en manque d’inspiration et un peu stéréotypé.

En fin de partie, le Rém sort quelques tirs « angle zéro » dont il a le brevet et Frankie sort des paniers au forceps en déboulant dans la raquette comme une boule lancée plein champ sur une piste de bowling. Frankie le roi du strike ! Le choc est rude, deux adversaires le cul parterre, « 2 points plus la faute » qui nous permettent d’entretenir l’espoir.
Et comme la semaine dernière, les meilleurs shooteurs à 3 point d’Euroligue semblent s’être donnés rendez vous face à nous. A quelques secondes du terme, un tir venu d’ailleurs vient nous crucifier définitivement.
Les sept secondes restantes nous laissent le temps de tenter un tir. Le coach prévoit un jeu à 2 entre Frankie et moi. Comme le symbole de notre collectif balbutiant, nous manquons de nous percuter lors de cette phase de jeu pourtant simple (un main à main pour les initiés) puis le buzzer retentit après notre dernier tir raté. 74 à 73. La messe est dite, c’est encore la lose.

Dépité, je file sous la douche pour méditer sur cette cruelle désillusion. La défaite est un drame personnel, et la maturité n’y fait pas grand chose. C’est ainsi depuis toujours quoiqu’un peu disproportionné j’en conviens. L’ambiance du vestiaire est pesante, Les gars se déshabillent en silence, on entend simplement le bruit de quelques chaussettes jetées rageusement sur le sol.  Chacun gère la défaite à sa manière. Certains s’isolent, d’autres ont besoin d’échanger à chaud. Rém et Pierrot échangent vivement sur la prestation arbitrale et débattent des limites et compétences du bénévolat. Pierrick s’étire dans son coin, il essaie d’expliquer à sa hanche qu’il faut qu’elle le laisse tranquille mais elle n’a pas l’air d’accord du tout…

La douche est chaude, elle me fait du bien. Pour un sportif qui a perdu, la douche est la première thérapie…

Et puis voilà, nous allons basculer désormais dans la quatrième dimension.

Coach Totogne pousse la porte du vestiaire pour nous annoncer que le match n’est pas terminé. L’arbitre vient de s’apercevoir que la table de marque a commis une erreur en comptant un point supplémentaire à Saint Rambert. En réalité le score est de 73  partout. Ils nous attendent donc pour la prolongation, là, maintenant, tout de suite !!!!

Je regarde le coach, je m’apprêtais à enfiler ma chemise en lin. Je le connais bien le coach. Cette blague n’est pas son style. Je le crois aussitôt. Aussi invraisemblable que ce scénario puisse paraître, j’y vois là comme le signe que cette soirée ne peut pas être gâchée. Je saute dans mon short et mon maillot trempés de sueur et me voilà prêt, la bave aux lèvres.

Mais autour de moi, c’est le scepticisme de groupe. « Ah la bonne blague de Totogne ! », « qu’est que c’est qu’ces conneries !», et encore « il est con le coach, il essaie de nous faire rire… ». Totogne va jusqu’aux douches, là où les gars continuent de se savonner, incrédules : « Bon les gars, je vous dis qu’c’est pas une blague, on nous attend pour la prolongation, mais bon si vous voulez pas la jouer, pas de problème, il suffit de le dire et puis c’est tout ! »

Phil a abusé du savon, il en a partout, une couche épaisse de mousse qui pue la vanille à trois mètres. Il enfile un short et sort du vestiaire en l’état. Le voilà qui surgit dans la salle avec des bulles sur la tête en criant aux adversaires « alors on joue, on est prêts ! ». Fallait pas l’inviter Phil, il fait rien qu’énerver les adversaires avec son humour méditerranéen à la Patrick Bosso…

Dans les vestiaires, je me suis remis en mode compét’ et j’harangue les troupes : «ça c’est le signe que la soirée va être exceptionnelle les gros ! Forza la 2 ! ». Le Rém serre le poing et fronce les sourcils, Seb regarde ses chaussettes sales avec dégoût et prend conscience que sa carrière à New York est bel et bien terminée. Adieu le temps béni où le staff lui donnait un maillot neuf à chaque quart temps…  Pat répète à qui veut l’entendre « ça fait bientôt 40 ans que je joue au basket, j’ai jamais vu ça ! ».

Bref, vous l’avez compris, l’excitation et l’adrénaline font leur retour sur scène et tout le monde rebouche son gel douche. Tous, sauf Xav qui a pour principe depuis des années de taxer celui des copains car il a, le pauvre, des problèmes de budget. La vocation d’une équipe étant de protéger les plus faibles et les plus démunis, c’est donc de bon cœur et en toute simplicité que nous lui gardons nos fonds de bouteille afin qu’il conserve une hygiène corporelle qui est la base de la dignité humaine.

Cinq minutes d’échauffement pour remettre les organismes en route et nous revoilà dans la compétition malgré les corps de quadra qui grincent et ne comprennent pas pourquoi on les sollicite encore !

73 partout puis 75 à 80 pour les rambertinassois. Frankie prend sa faute de trop et rejoint Perrosevic, Pat, Rém sur le banc des exclus. On aurait pu commencer à douter mais la magie du basket opère enfin en notre faveur.

Xav retrouve son shoot en rythme et notre zone press fait des ravages sur le premier rideau avec un Phil virevoltant. Les ballons volés apportent des paniers faciles et instillent le doute chez l’ennemi. Sentant le match leur échapper, les locaux s’énervent et la lutte au rebond devient un combat de rue. Seb se révèle précieux dans ce domaine en arrachant des ballons en or, et Pierrot s’offre un « face to face » avec un adversaire tout prêt de péter les plombs. Les voici front contre front, on se croirait dans un western de Sergio Leone…

Mais les mouches ont changé d’âne, Saint Jean repasse devant et tient enfin son match. Au buzzer, c’est une joie pleine d’adrénaline qui s’exprime jusque dans les vestiaires. Un magnum de champagne sort d’un sac, (il faut toujours en avoir un dans son sac dans l’hypothèse d’un événement positif à fêter entre amis). Le bouchon qui saute, le vestiaire et ses occupants sont arrosés dans la liesse générale puis tout le monde part prendre sa seconde douche de la soirée en espérant que ce sera la dernière.

Comme le disait Jim Morrison, « l’instant est béni, le reste est souvenir ». Et ce samedi soir, les amis, on a été servis !!

Yvan’s, qui a passé un bon dimanche grâce à vous

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