Lundi 10 juillet 2000 : Calenzana – Bocca d’Ortu di u Piobbu
Vingt-quatre heures
Réveil à 4h45… Après une mise en route laborieuse, nous quittons Calenzana et rejoignons le point de départ du GR 20 vers 6h30, quelques minutes après le lever de soleil.
Etape 1 : départ 6h30, arrivée 14h30 – durée de marche effective : 6h30.
Nuit en bivouac au refuge d’Ortu di u Piobbu.
Météo
Alternance de soleil et de nuages. Le vent qui a soufflé en rafales toute la nuit continue son cirque… Il fait chaud mais la chaleur est très supportable, sauf pour Gérald qui sue toute l’eau de son corps et ne cesse d’éponger son bandana.
Le fait du jour
Dans le vif du sujet – Le GR 20 démarre par un sentier au-dessus de Calenzana, situé à 275 mètres d’altitude. Alors fatalement, pour rejoindre le cœur de la montagne corse, il faut prendre ses petites gambettes et grimper sans rechigner d’un pas décidé. Pour cette première journée, nous devons donc avaler 1300 mètres de dénivelé en découvrant tout à la fois, la beauté des chemins et des paysages, les sols caillouteux, les pentes pas souvent douces et le poids réel d’un sac de quinze à vingt kilos sur le dos ! Chacun se teste et se découvre, cherche sa cadence et le rythme de ses pas. Un prologue éprouvant qui nous plonge d’entrée dans la dure réalité de ce qui nous attend toute la semaine, mais effectué heureusement avec des jambes encore toutes neuves et une fraîcheur physique qui sera probablement déjà bien entamée le lendemain au départ de la deuxième étape !
L’étape
Une succession de « raidi-longs » – Après la tranquille traversée du petit village de Calenzana encore endormi, nous rejoignons le vrai point de départ du GR20. Notre randonnée commence inévitablement par un petit raidillon, vite rebaptisé « raidi-long » étant donné qu’on n’en voit jamais le bout… Nous progressons dans un défilé de cols et d’arêtes au milieu d’un décor naturel et sauvage de toute beauté. Notre ascension se poursuit, encore et toujours, jusqu’à cette vision réconfortante en contrebas de notre chemin : le refuge ! Oui, mais… il nous faudra encore franchir un vallon avant de l’atteindre, avec une descente très pentue et un dernière grimpette terrible pour les jambes.
Humeur…
C’est ça les vacances ? – J’ai comme l’impression d’un malentendu sur la définition du mot « vacances »… Passe encore sur la nuit atroce que je viens de passer à n’en rien dormir, secoué toute la nuit sous la tente par des rafales de vent à vous rendre marteau complet. Mais pourquoi suis-je réveillé à 4h45 par des illuminés qui veulent aller marcher alors qu’il est encore l’heure de dormir ? Pourquoi faut-il s’élancer deux heures plus tard sur un chemin caillouteux qui grimpe à mort avec un sac qui pèse une tonne sur le dos ? Pourquoi faut-il avoir faim toute la journée sans avoir le droit de piocher dans les maigres réserves de Grany de son sac à dos ? Pourquoi faut-il se contenter à midi d’une rondelle de Coppa (l’excellente charcuterie fumée corse) et d’une maigre tranche de pain alors que mon estomac crie famine ? Pourquoi faut-il en arrivant se doucher à l’eau froide avec l’insupportable odeur des toilettes sauvages voisines dans la kabane au fond du jardin ? Pourquoi ? Pourquoi ?
« Parce que t’as signé… », me répond Stéphane. Et c’est vrai, ce sont les vacances que j’ai choisies… et je ne voudrais vivre autre chose pour rien au monde !
Brèves rencontres
Quand on aura leur âge… – Nous sommes six, âgés de 24 à 27 ans, jeunes, beaux et forts, en pleine force de l’âge. Ils sont trois, ayant atteint à n’en pas douter la soixantaine, les jambes marquées par les traces du temps qui passent. Et sans broncher et sans se plaindre, ils montent à leur allure – et quelle belle allure – sur les sentiers difficiles et escarpés du GR… Leur abnégation force notre admiration et nous sommes unanimes pour dire qu’à leur âge, nous ne serons sûrement pas là en train de crapahuter !
En vrac
Vaches-randonneuses – Passionné d’animaux en totale liberté depuis ma rencontre avec les ânes grecs des Cyclades, je suis une nouvelle fois surpris en croisant au beau milieu de la montagne corse, à mille lieues de toute zone habitable, l’une ou l’autre de ces vaches égarées qui déambulent bien mieux qui nous à travers les cailloux. Je pense à Fernandel dans « La vache et le prisonnier », en train d’appeler « Marguerite ! »…
Tahiti douche, comme à la télé… ou presque – La file d’attente est longue pour accéder à l’unique douche – froide, évidemment – du refuge. Mais heureusement, avec Tahiti douche, nul besoin de faire la queue ! Il suffit de tapoter le flacon pour que la pluie tombe et que les filles ôtent sensuellement leur t-shirt… Publicité mensongère hélas, puisque si la pluie finira bien par tomber (sous la forme d’un bel orage bien arrosé en pleine nuit), nous ne verrons pas le moindre petit bout de sein !