La Corse est un immense « kaillou ! »

Mardi 11 juillet 2000 : D’Ortu di u Piobbu – Caruzzo

Réveil, jour 2
Réveil, jour 2

Vingt-quatre heures
Réveil différé à 6h30 puisqu’à 4h30, il pleut encore des cordes (et ce depuis minuit…).
Etape 2 : Départ 8h, arrivée 15h ; durée de marche effective : 5h.
Nuit en bivouac au refuge de Caruzzo.

Météo
La pluie finit par cesser au petit matin mais le temps est encore très couvert. Amélioration dans l’après-midi avec quelques vraies éclaircies qui nous réconcilient avec la montagne ; variation fréquentes de température avec les allées et venues du soleil. Vent très violent par endroits (haut des crêtes).

Le fait du jour
Que la montagne est belle ! – J’ai encore mal dormi, à cause de la pluie cette fois. Je me lève grognon, le duvet plus qu’humide, la tente trempée, dans la grisaille, il fait froid ; les jambes ne semblent pas pressées de repartir, quand à mes épaules elles ont l’impression que le sac à dos a pris du poids pendant la nuit… « Pourtant, que la montagne est belle… » chante Ferrat. Et c’est vrai ! Mes petits soucis futiles s’envolent dès que j’ose enfin contempler en face la beauté des paysages dans lesquels j’ai la chance d’évoluer.

La beauté de la montagne corse sous le soleil
La beauté de la montagne corse sous le soleil

Lorsque la brume grisaille environnante se dissipe enfin pour laisser la place au soleil, les cols resplendissent, les couleurs éclatent et les panoramas sont exceptionnels ! Plus nous progressons dans notre ascension, plus je prends plaisir à mesurer le chemin déjà parcouru et à voir les choses de haut…

"J'suis bien..."
“J’suis bien…”

J’suis bien
P’t’être un peu bourré mais bien
J’suis bien accroché, j’crains rien
Me faites pas de signe j’veux pas descendre
J’suis bien
D’ici j’vois les choses de haut
J’aurais dû monter plus tôt
Ça fait très longtemps qu’j’attends
D’être aussi bien… (Fugain)

Je me laisse griser par l’appel du vide, en penchant la tête au dessus des falaises. Je me sens à la fois très humble, très petit face à l’imposante stature des sommets qui m’entourent… et en même temps, immensément grand de les atteindre les uns après les autres et de pouvoir les regarder d’en haut après les avoir dépassés !
La baie de Calvi, que l’on aperçoit encore parfois au sommet d’un col, n’est déjà plus qu’un lointain souvenir…

L’étape

Vue plongeante
Vue plongeante

Éprouvante mais enthousiasmante – Malgré la nuit agitée par une pluie incessante, il faut bien repartir… La première ascension du matin dans la grisaille est difficile, mais nous atteignons finalement notre premier col à plus de 2000 mètres. Le soleil vient nous rendre visite de temps à autre, ce qui n’est pas la moindre des réjouissances. Avant de commencer à plonger sur le refuge, nous profitons d’une vue exceptionnelle sur le cirque de Bonifatu… la descente dans les « Kailloux ! » est longue, longue… interminable. Les organismes sont soumis à rude épreuve. Qu’il est doux d’arriver ! Même si nous sommes parmi les derniers à nous installer… En effet, la plupart des randonneurs sont là depuis bien longtemps, n’ayant pas osé s’élancer sur les crêtes par crainte des intempéries ; ils ont contourné le cirque par la vallée, itinéraire plus court et plus facile. Mais ils n’auront pas vu la montagne aussi belle que nous !

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Laurent Gerra - Les kailloux
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Humeur…

Alex et Paulette au train
Alex et Paulette au train

Chacun son rythme – Notre équipée ressemble beaucoup au peloton du tour de France : il y a les échappés, Julien et Gérald, qui caracolent en tête sans trop de soucier de ce qui se passe derrière (ce qui a le don de mettre Alex en pétard !) ; il y a ceux qui montent au train comme Stéphane, qui gère sagement ses efforts en avançant à foulées régulières ; il y a les attardées, Alex et Stéphanie, reléguées en queue de peloton mais qui progressent sans grimacer, à leur allure ; et puis il y a moi, hors catégorie dans le style « j’me sens bien j’accélère le rythme et la longueur de mes pas mais d’un coup ça va moins bien alors tout le monde me rattrape et je me retrouve bientôt bon dernier et à la traîne… ». Je ne gère encore rien du tout, je grimpe sans réfléchir comme quand j’avais dix ans (ça m’allait pourtant bien à l’époque !), je me déchire sur certains passages en sollicitant beaucoup mes pauvres jambes, et je m’explose les articulations (les genoux surtout) en sautant lourdement sur les cailloux lors de la descente… Il va vite falloir que je m’achète une cadence et une rigueur de marche si je veux revenir entier de cette aventure !

L'équipe au sommet
L’équipe au sommet

Brèves rencontres
Belle des Champs« Oh, donne nous encore un peu de ton fromage, il est si fondant, Belle des Champs ! » La chevelure blonde de cette jeune randonneuse qui rappelle l’or des blés et sa discrète simplicité ont vite fait de nous évoquer la charmante marchande de fromages de la publicité. Seul un accent dijonnais à couper au couteau viendra légèrement gâcher le tableau !

En vrac

Brume à Ortu di Piubbo
Brume à Ortu di Piubbo

La « rachtaquoué » a tenu le coup – Sorti pour soulager un besoin nocturne pressant, je profitais de l’occasion pour rentrer les quelques affaires laissées négligemment dehors. Bien m’en prit puisque moins de dix minutes plus tard, quelques gouttes commencent à résonner sur ma maigre toile de tente à toit unique. La pluie s’intensifie bientôt, puis le vent se lève, des éclairs déchirent le ciel et le tonnerre gronde au loin… Sans aucune confiance dans mon abri de fortune, je ne ferme plus l’œil de la nuit et je serre les fesses en attendant que la tempête s’arrête. Mais les rafales de vent sans fin succèdent aux trombes d’eau qui s’abattent sur la toile et j’imagine le pire : les gouttières, l’eau qui s’infiltre de tous les côtés de la tente, la toile qui se déchire, la foudre qui vient frapper sur mes piquets sans patates ! Le calme revient enfin vers 6h30, et la « rachtaquoué » a relativement bien tenu le choc puisque seul un côté a pris un peu l’eau, mouillant légèrement matelas et duvet. Jamais je n’aurais imaginé être aussi reconnaissant envers ce bout de toile objet de tant de quolibets ! Je repense à Cécile qui me disait avant de partir : « Si c’est vraiment une tente de merde, tu ferais mieux de la laisser au lieu de t’encombrer, tu dormiras à la belle… ». Après une nuit pareille, qu’est-ce que je suis content de l’avoir emportée, ma tente de merde ! !

« Quand est-ce qu’on mange ? » – Chaque année c’est le même refrain : l’ambiance vacances a le don de décupler mon appétit, et ce n’est pas le grand air de la montagne corse ni l’effort physique sur le GR qui risquent de diminuer ce phénomène, au contraire ! C’est d’autant plus difficile à vivre que j’ai l’impression d’être le seul à me plaindre de la faim qui me tiraille l’estomac. Je pioche sans arrêt dans mes réserves personnelles pour tenir le coup, et je me demande comment font mes acolytes pour se rassasier d’un bout de pain rassis et d’une demi-rondelle de coppa après six heures de marche.

À l'heure du repas
À l’heure du repas
Un regard vers les sommets...
Un regard vers les sommets…

Le soir, les rations de pâtes sont généreuses et pourtant je pourrais facilement avaler le double de ma part ! Il y a un an je saturais de la riche gastronomie marocaine, qu’est-ce que je regrette cette époque bénie… Cette insatiabilité quasi-permanente me vaudra très vite d’hériter du surnom peu glorieux… d’Averell !!

Trek au Népal ? – Troublés par une affiche décrivant une expédition au pays-fétiche des grands randonneurs, et au beau milieu de leur raid sur le GR 20, Juju et Stéphane ont déjà le regard tourné vers de nouveaux horizons… Les voilà en train d’échafauder le projet d’une aventure au Népal. La fièvre et la passion les gagnent, leurs yeux s’illuminent… ils sont en train de rêver tout éveillés qu’ils baroudent sur les pentes de l’Himalaya !

« Quand te reverrai-je, pays merveilleux… »

La dure réalité du GR

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